Scientifique
Enchaîné, seul et nu à un mur froid et blanc
Je vois venir à moi des yeux télescopiques
Mon bas-ventre captive ces filaments optiques
Comme la découverte d’un nouveau continent
« Alors ? Impressionnés ? » Je n’ai pas eu l’audace
De faire un trait d’humour et de fanfaronner
Comme Han Solo devant les obscures armées
Au lieu de ça je crois que j’ai perdu la face
Bredouillant des « pitié », des « ami », des « humain »
Mon esprit cartésien et ses belles logiques
S’est noyé dans l’épais et sombre verre de vin
De la plus effroyable de mes peurs paniques
Un globe articulé soudain me dévisage
Et déploie son rayon jusque dans ma cornée
J’ai la vague impression qu’on fouille dans mes pensées
Devant mes yeux défilent des milliers d’images
M’a-t-on plongé dans un sommeil paradoxal ?
Ou est-ce le début de mon voyage astral ?
Je remonte le fil de tous mes souvenirs
Alors c’est donc ainsi que l’on se sent mourir
Je me vois tout petit tétant encore ma mère
Puis sanglant et serré dans le creux de ses bras
Palpitent autour de moi de rougeâtres parois
A la nuit succède une aveuglante lumière
Rosaline
Cet humain n’a aucune protection mentale
Ni barrière psychique ni pare-feu cérébral
Son corps tout entier à l’état de nature
Ne contient pas d’implants ou de nanostructures
Le voilà hébété par la photocopie
De son petit cerveau scanné en trois secondes
J’envoie des phéromones à travers une sonde
Il dira oui à toutes, à toutes mes envies
Scientifique
Moi qui n’ai jamais cru qu’aux sciences naturelles
Aux lois de la physique et aux équations
Et si j’avais eu tord et s’ils avaient raison
Les culs bénis de croire à la vie éternelle
Ô toi mon dieu que je n’ai jamais imploré
Ô toi être divin dont je me suis moqué
Sauras-tu pardonner comme le font les bons pères
Au plus ingrat de tout tes fils de la terre ?
Suis-je une âme, un fantôme ou bien peut-être un ange ?
Je flotte dans du lait comme dans les eaux du Gange
Toute cette blancheur me lave de mes péchés
Peut-être, peut-être enfin vais-je trouver la paix
De l’immaculation s’échappent des soupirs
Des formes imprécises forment comme un mirage
Je distingue une scène venue d’entre les âges
Et qui réveille en moi d’inavouables désirs
L’image se précise et tout devient trop clair
Mes plus anciens démons reviennent me hanter
L’on me met à l’épreuve et je dois expier
Ces honteuses pensées venues droit des enfers
Cet ancien souvenir chassé de ma mémoire
Remonte comme un noyé gonflé de pourriture
Ce corps nauséabond a atteint le lavoir
De l’absolution de mon côté obscur
Je reconnais les murs, les meubles et l’ambiance
De cette chambre rose qui un jour a fauché
Les tout premiers émois de mon adolescence
Comme un cerf dans les phares d’un chauffeur routier
Je reconnais l’odeur de l’été qui s’étire
Dans les lentes volutes d’un ventilateur
Derrière un paravent j’observe sans rien dire
Une scène qui me fait bouillir de l’intérieur
Elle est allongée là il fait si chaud dehors
Sous le drap blanc s’agite la houle du plaisir
Les stores font sur sa peau comme des rayons d’or
Les yeux clos elle gémit et pousse des soupirs
Plus vives que nos haines, les hontes qui nous habitent
Au lieu de se dissoudre s’aiguisent avec le temps
Je n’ai aucune envie de revivre la suite
Je n’ai pas mérité pareil châtiment
Car dans mes souvenirs un geste malheureux
Fit tomber devant moi l’odieux paravent
Son rire, je m’en souviens, à me voir si piteux
Son rire quand j’y repense me glace encore le sang
Je m’apprête à revivre ce moment pathétique
Le paravent s’écroule, elle bondit du divan
Mais au lieu de partir dans son rire hystérique
Elle touche mon épaule, me sourit puis descend
Mon âme toute entière en un instant se glace
Tandis que tout mon corps flambe comme un brasier
Sa bouche me dévore et ses cuisses m’enlacent
Je ne vais pas pouvoir plus longtemps résister
Car plus je la repousse et plus elle s’aventure
Explorant de ses doigts les failles de mon armure
Je cède à ses assauts je cède à ses caresses
Et pénètre en pleurant ses divines petites fesses
Me voilà en enfer et mon premier supplice
Est de voir ma vertu violée par tous mes vices
Car mon dieu quelle horreur, quelle horreur mon dieu
Je couche avec ma sœur et c’est délicieux